samedi 16 janvier 2021

"La Promesse de Magnus" - Scène inédite de la Cité des Ténèbres


LA PROMESSE DE MAGNUS

« La promesse de Magnus est un texte inédit qui est sorti comme extra dans le livre L’Ange mécanique dans sa version anglaise. » – Cassandra Clare

Magnus Bane était allongé sur le sol de son loft de Brooklyn, en train de regarder son plafond. Le sol était légèrement collant, comme quasiment partout dans l’appartement. Du vin de fée mélangé avec du sang versé sur le sol coulait comme un ruisseau le long du plancher. Le bar, qui était constitué d’une porte appuyée sur deux poubelles métalliques, avait été abimé à un moment donné dans la nuit lors d’une lutte vigoureuse entre un vampire et Bat, l’un des loups-garous de la meute de la ville. Magnus se sentait satisfait. Ce n’était pas une bonne fête à moins que quelque chose ne soit cassé.

Des pas légers résonnaient sur le sol et venaient dans sa direction et il sentit sa poitrine se serrer : quelque chose de petit, doux et lourd. Il leva les yeux et se trouva à regarder une paire de grands yeux vert doré qui ressemblaient aux siens. Président Meow. Il caressa le chat, qui glissa joyeusement ses griffes dans la chemise de Magnus. Quelques confettis tombèrent du plafond et atterrirent sur eux deux, provoquant un saut sur le côté du président Meow. Avec un bâillement, Magnus s’assit. Il se sentait souvent comme ça après une fête - fatigué, mais de trop pour réussir à s’endormir. Son esprit allait sur les événements de la nuit, mais, comme un CD rayé, il n’arrêtait pas de revenir au même souvenir.

Ces enfants chasseurs d’ombres. Il n’a pas été surpris que Clarissa l’ait finalement retrouvé. Il savait que les sorts pour bloquer ses souvenirs ne marcheraient pas éternellement. Il avait expliqué cela à Jocelyn, mais elle était déterminée à protéger sa fille aussi longtemps qu’elle le pouvait. Maintenant qu’il l’avait connue, consciente et alerte, il se demandait si elle avait vraiment besoin de toute cette protection. Elle était ardente, impulsive, courageuse – et chanceuse, comme sa mère. Cela, c’est si on croyait en la chance. Mais quelque chose a dû la guider vers les chasseurs d’ombres de l’Institut, peut-être les seuls qui pourraient la protéger de Valentin. Dommage que Maryse et Robert soient absents. Il avait conclu des marchés avec Maryse plus d’une fois, mais cela faisait des années.

Il avait un vague souvenir d’une visite qu’il avait faite à Maryse et à Hodge où il y avait deux garçons dans le couloir, âgé d’environ onze ans, s’entraînant au combat avec des poignards séraphiques inoffensifs. Une fille avec des cheveux noirs regroupés en deux tresses les regardait faire et se plaignait de ne pas pouvoir s’entraîner avec eux. Il les avait à peine remarqués à l’époque.

Mais maintenant – les voir l’avait secoué, en particulier les garçons, Jace et Alec. Lorsqu’on a tant de souvenirs, il est parfois difficile d’identifier celui qu’on cherche exactement, c’est comme feuilleter un livre de 10 000 pages pour trouver le bon paragraphe.

Cette fois, cependant, il savait.

Il s’agenouilla pour ouvrir la porte du placard. À l’intérieur, il mis de côté les vêtements et divers paquets et potions, tâtonnant à la recherche de ce qu’il voulait. Quand il eut fini, il sorti, tout en toussant, un grand coffre. Bien qu’il ait vécu longtemps, il avait tendance à voyager léger : gardant très peu de souvenirs de son passé. Il sentait en quelque sorte que tous ces souvenirs l’épuisaient et l’empêchaient d’aller de l’avant. Quand tu vivais éternellement, tu ne pouvais passer qu’un certain temps à regarder en arrière.

Cela fait si longtemps qu’il n’avait pas déverrouillé ce coffre qui s’ouvrit en grinçant ce qui fit glisser le président Meow sur le canapé, sa queue en spasmes. Les objets empilés à l’intérieur du coffre ressemblaient au trésor d’un méchant dragon. Certains objets brillaient de métal et de pierres précieuses – Magnus sortit une vieille boîte à tabac, dont les initiales WS étaient écrites sur le dessus en rubis chatoyants, et sourit au mauvais goût de la chose, et aussi aux souvenirs que cela lui évoquait. D’autres semblaient banals : un ruban en caoutchouc crème délavé qui avait été celui de Camille ; une boîte d’allumettes Cloud Club avec les mots « Je sais ce que vous êtes » écrit à l’intérieur en calligraphie féminine ; un quintette humoristique signé OFOWW; un papier à moitié brûlé du Hong Kong Club – un endroit où il avait été interdit non pas d’être sorcier, mais de ne pas être blanc. Il toucha un morceau de corde tordu presque au fond de la pile et pensa à sa mère. Elle avait été la fille d’un colonialiste néerlandais et d’une indonésienne qui était morte en couche et dont Magnus n’a jamais connu le nom.

 Il avait presque atteint le fond du coffre quand il trouva ce qu’il était venu cherché. Il retira cet objet tout en le regardant : une photographie en noir et blanc monté sur du carton dur. Une photo qui n’aurait pas dû exister, et qui ne l’aurait pas été si Henry n’avait pas été obsédé par la photographie. Magnus se souvenait de lui maintenant, plongeant dans et hors de sa capuche de photographe, courant avec les plaques humides jusqu’à la chambre noire qu’il avait monté dans la crypte pour révéler le film, criant à ses modèles photographiques de rester immobile. C’était l’époque où, pour produire une photographie précise, il fallait rester sans bouger pendant quelques minutes à la fois. « Pas facile », pensait Magnus, le coin de sa bouche se tournant vers le haut, « à l’équipe de l’institut de Londres. » Il y avait Charlotte, ses cheveux foncés. Elle souriait, mais était anxieuse, comme si en regardant le soleil, elle risquait de se brûler. A côté d’elle se trouvait Jessamine dans une robe qui avait l’air noir sur la photo, mais Magnus savait qu’elle était bleu foncé. Ses cheveux formaient des boucles et des rubans tombaient comme des ruisseaux de son chapeau. Elle avait l’air très jolie, mais aussi très malheureuse. Il se demandait comment elle réagirait à quelqu’un comme Isabelle : une fille de son âge qui aimait évidemment chasser les démons, qui affichait ses ecchymoses, ses cicatrices et ses marques comme s’il s’agissait de bijoux plutôt que de les cacher avec de la dentelle Mechlin.

De l’autre côté de Charlotte se trouvait Jem, qui avait l’air d’un négatif photographique de lui-même avec ses cheveux et ses yeux argentés qui sont devenus presque blancs ; sa main reposait sur sa canne de jade où trônait un dragon, et son visage était tourné vers Tessa. Tessa – son chapeau était dans ses mains et ses longues boucles brunes volaient librement, légèrement floues par le mouvement. Il y avait un léger halo de lumière autour de Will : comme c’était le cas dans la réalité ce qui ne surprendrait personne qui l’avait rencontré, il n’avait pas été en mesure de rester immobile pour la photographie. Comme toujours, il ne portait pas de chapeau, ses cheveux noirs se recroquevillaient sur sa tempe. C’était une perte de ne pas pouvoir voir la couleur de ses yeux, mais il était encore beau et jeune et avait l’air un peu vulnérable sur la photo, avec une main dans sa poche et l’autre sur le dos de sa tête.

Cela fait si longtemps que Magnus n’avait pas regardé cette photographie que la ressemblance entre Will et Jace l’a soudainement frappé. Même si c’était Alec qui avait ces cheveux noirs et ces yeux – ce bleu foncé très surprenant – c’était Jace qui semblait avoir la même personnalité de Will, du moins en surface. La même arrogance tranchante qui cache quelque chose de vulnérable en dessous, la même perspicacité vive...

Il contourna le halo de lumière autour de Will d’un doigt et sourit. Will n’avait pas été un ange, mais n’avait pas été aussi défectueux que certains auraient pu le penser. Quand Magnus pensait à Will, même aujourd’hui, il se rappelait de lui dégoulinant d’eau de pluie sur le tapis de Camille, suppliant Magnus de l’aider car personne d’autre ne pouvait lui venir en aide. C’est Will qui lui mis l’idée dans la tête que les chasseurs d’ombres et les créatures obscures pouvaient être amis.

Jem était l’autre moitié de Will, la meilleure. Lui et Will avaient été parabatai, comme Alec et Jace, et partageaient la même proximité évidente. Et même si Alec ne semblait pas semblable à Jem – Alec était agité et doux, sensible et inquiet, tandis que Jem avait été calme, il se mettait rarement en colère et semblait plus âgé que son âge réel – les deux étaient des chasseurs d’ombres particuliers. Alec extériorise une profonde innocence inhabituelle chez les chasseurs d’ombres – une qualité que Magnus dut admettre qui l’attirait comme un papillon de nuit vers une flamme, malgré son propre cynisme.

Magnus regarda à nouveau Tessa. Même si elle n’était pourvue de la même beauté que Jessamine, son visage semblait vivant avec énergie et intelligence. Ses lèvres se pencha vers le haut dans les coins. Elle était, comme Magnus, attachée à Jem et à Will.

Tessa. Tessa, qui, comme Magnus, est éternelle. Magnus regarda le reste des souvenirs de la boîte – des souvenirs d’amours passées, certains dont les visages avaient été avec lui aussi clairs que le jour où il les a vus pour la première fois, et d’autres dont il se souvenait à peine des noms. Tessa, qui comme lui avait aimé un mortel, quelqu’un qui était destiné à mourir alors qu’elle ne l’était pas. Magnus retourna la photo sur son cœur. Il secoua la tête, comme s’il pouvait en dégager les souvenirs. Il y avait une raison pour laquelle il ouvrait jamais la porte à ses souvenirs. Les souvenirs l’épuisaient, lui rappelaient ce qu’il avait eu et ce qu’il avait perdu. Jem, Will, Jessamine, Henry, Charlotte – d’une certaine façon, c’était incroyable qu’il se souvienne encore de leurs noms. Cependant, les rencontrer avait changé sa vie.

Après avoir connu Will et ses amis, Magnus s’était faite la promesse de ne plus jamais se mêler des affaires des chasseurs d’ombres. Parce que quand il en prenait connaissance, il finissait par s’en occuper. Et quand on se souci des mortels, on finit souvent le cœur brisé.

« Et je ne vais pas » - dit-il au président Meow solennellement, peut-être un peu ivre – « Je me fiche de la façon dont ils sont charmants ou courageux ou même comment ils semblent désespérés. Je ne me soucierai plus jamais, jamais, jamais.. ».

Quelqu’un sonna à sa porte. Magnus se leva pour répondre.

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